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Des permis pour les étrangers (4)
Des permis pour les étrangers (4)

 

À propos de mon expérience en Suède, je tiens à préciser que j'étais arrivé en pleine crise pétrolière et que le contexte économique n'était donc pas en ma faveur. Mais après mes longs démêlés avec l'administration, j'ai fini par l'emporter définitivement et ai obtenu sans problème par la suite mon permis de séjour permanent. Je me suis souvent demandé si j'aurais eu gain de cause si ça avait été en France. Je n'en suis pas sûr. D'une part, parce qu'il n'y a pas de recours suprême qui permette d'en appeler à la plus haute autorité du pays, aussi symbolique soit-elle, et d'autre part parce que l'administration suédoise, malgré sa bureaucratie pesante, est davantage à l'écoute des administrés que notre fameux service public à la Française. Pour vous dire, jamais la fonctionnaire de police, dont je m'étais plaint auprès de l'office de l'immigration, ne m'a plus interrogé par la suite ! C'était toujours un de ses collègues qui en était chargé à sa place.

Maintenant j'en viens à la demande de permis de séjour que mon ex a faite lorsque nous nous sommes installés en France. Elle n'avait pas besoin de permis de travail puisque, par précaution, après des années de vie commune, nous nous étions mariés en Suède peu de temps avant notre venue en France. Nous vivions alors à Paris et la demande auprès de la préfecture s'est plutôt bien passée, si ce n'est que mon ex a dû fournir un nombre impressionnant de papiers et passer une visite médicale très coûteuse bien qu'obligatoire. Bon nombre d'étrangers qui la passaient se plaignaient de son prix exorbitant et accusaient la France de se sucrer sur leur dos. Une fois le dossier déposé en préfecture, on nous a informés que nous serions convoqués sous quinze jours pour retirer la carte de séjour au guichet.

Quinze jours ont passé sans que nous n'ayons aucune nouvelle mais comme nous étions alors en train de déménager pour Évry, nous ne nous sommes pas tout de suite préoccupés de savoir où en était la carte de séjour. Ce n'est qu'au bout d'un mois environ que nous avons contacté la préfecture de Paris pour nous informer. Et là, nous nous sommes entendu répondre que "on nous avait mal informés"1, que nous aurions dû venir chercher la carte en préfecture au bout de quinze jours et qu'il fallait désormais nous adresser à la préfecture d'Évry pour qu'elle demande le rapatriement de notre dossier.

Mais à Évry, les choses ont pris une sale tournure. Nous avons eu affaire à un petit fonctionnaire malingre et aigri qui n'entendait pas nous faciliter la tâche. Était-il malade ? Suivait-il une chimiothérapie ? C'est ce que je me suis demandé, à voir sa tête dégarnie, clairsemée de longs poils miteux. Toujours est-il qu'il suait la haine et semblait détester la gente humaine. Malade, il l'était sûrement quelque part pour traiter comme il le faisait les demandeurs de permis. Au cours de nos visites, je l'avais entendu déclarer au téléphone qu'il ne prenait pas de rendez-vous par téléphone, qu'il fallait se déplacer. J'avais vu des gens pleurer au guichet parce que les photos ou certains justificatifs avaient mystérieusement disparu de leur dossier. Ceux qui avaient déjà une longue pratique de cet employé haineux affirmaient qu'il les égarait lui-même exprès, histoire de jouir plus longtemps de leur détresse.

Quand nous lui avons demandé de rapatrier le dossier qui était en instance à Paris, il nous a tout de suite annoncé la couleur : il n'en était pas question. Avec lui, c'était "by the book"2 et nous devions refaire notre dossier depuis le début. Je lui ai rétorqué qu'en effet, "by the book" c'était bien commode, car ça permettait de ne pas penser. Là j'ai compris trop tard que j'avais perdu une belle occasion de me taire. Il a bondi de sa chaise : "Comment ? Vous pouvez répéter, a-t-il hurlé ?" J'ai récidivé et il est sorti alors, fou de rage, de son guichet pour en venir aux mains. Mais un agent de police, posté en faction là pour je ne sais quelle raison, mais sans doute pour prévenir ce genre d'incident, est intervenu pour calmer le jeu.

Comme vous voyez, nous n'avions rien de bon à attendre de ce fonctionnaire teigneux. Il nous a remis une liste de documents à fournir qui comportait trois fois plus de justificatifs que ce qui nous avait été demandé à Paris. Là où Paris demandait la première page recto-verso du passeport, Évry exigeait des photocopies du passeport complet, y compris les pages vierges. Il était certain qu'avec ce fonctionnaire mon ex n'était pas prête d'avoir sa carte de séjour. Pensez, le directeur suédois du magasin IKEA, où travaillait mon ex, avait attendu la sienne plus d'un an. Alors qu'est-ce que ça serait pour elle qui n'était qu'employée et qui s'était attirée à travers moi la mauvaise volonté du fonctionnaire. 

Aussi, avons-nous fait avec mon ex comme si nous n'avions pas déménagé et sommes allés chercher sa carte de séjour à la préfecture de Paris. Elle nous a été remise sans problème et nous n'avons plus eu à faire alors qu'un changement d'adresse auprès de la préfecture d’Évry. Je ne vous dis pas la tête du fonctionnaire lorsqu'il a compris qu'il ne pourrait pas exercer sur nous ses talents de tortionnaire. La suite et fin dans un prochain billet.

1. "On vous a mal informés" ou "on vous a mal renseignés" est le leitmotiv des administrations pour excuser une faute. C'est ce motif qu'on nous avait aussi opposés quand nous avions fait l'échange de nos permis de conduire à Évry. Voir Du permis de conduire.

2. "Selon les règles".

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