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J'ai une très grande admiration pour... Dostoïevski, l'un des écrivains qui, à mon avis, a sondé au plus profond l'âme humaine. Pardon, je rectifie. J'ai une très grande admiration pour l’œuvre de Dostoïevski . Car de l'homme, je ne sais que ce qui m'en a été dit et, d'après divers témoignages, Dostoïevski, en tant qu'être humain, n'était pas digne d'admiration. Certains le décrivent comme un être méchant, envieux et débauché. A en croire le témoignage de l'écrivain Tourgueniev, relaté par André Gide, Dostoïevski aurait même avoué avoir violé une fillette puis l'avoir froidement laissé se pendre dans une pièce tout en l'écoutant mourir à travers la porte de la pièce d'à côté.
Même s'il semble s'en être vanté devant plusieurs autres auditeurs et que des allusions explicites à ce fait figurent dans Crime et châtiment et dans un chapitre des Démons. Il est difficile de déterminer aujourd'hui la véracité de cet acte monstrueux, commis par un homme profondément croyant et dont toute l’œuvre tourne autour de Dieu.
Mais quel rapport me direz-vous avec Tariq Ramadan ? Eh bien , j'ai toujours été fasciné par l'intellect et l'intelligence de ce prédicateur. A mes yeux, c'est un grand penseur, un philosophe et un débatteur hors pair. Il fait toujours preuve d'une grande intelligence et met facilement en pièces les assertions de ses détracteurs quand ils argumentent avec lui. Tout en restant toujours respectueux, à l'inverse de beaucoup d'entre eux. On lui reproche sans cesse de tenir un double discours, mais comme l'a démontré une longue enquête de Mediapart, "cette accusation n'a jamais été étayée par des faits".
Je ne suis pas musulman et, pour dire vrai, je ne porte aucune religion dans mon cœur (voir mon billet Je suis Asia Bibi). Néanmoins, je me suis intéressé aux discours de Tariq Ramadan et ai suivi nombre de ses interventions dans les médias. Je tenais à me faire une idée du personnage et constater par moi-même si tout le mal qu'on disait de lui était vrai. Or, non seulement jamais ses détracteurs ne m'ont convaincu mais j'ai été plutôt séduit par l'intellect, l'intelligence et l'humanité de Tariq Ramadan.
Je comprends donc que beaucoup aient voulu lui donner le bon dieu sans confession quand il a été accusé de viol et jeté en prison. Pour bien des gens, dont je faisais un peu partie, cela paraissait difficilement croyable. À l'aune des discours tenus par Tariq Ramadan, ça ne collait tout simplement pas avec le personnage. De même, qu'il m'était impossible de croire que Dostoïevski, homme pieux et chantre des "humiliés et offensés", pouvait avoir commis un viol sur une fillette.
Et pourtant, à la réflexion, j'ai fini par me dire : Et pourquoi pas ? L'être humain, on le sait, est plein de contradictions et ses démons intérieurs le poussent parfois à commettre des actes ignominieux. Et si Dostoïevski avait bien violé une petite fille ? Et si Tariq Ramadan avait bien violenté des femmes ? Et si Céline... N'en jetons plus, on n'en finirait pas, tant sont innombrables ces cas de dichotomie !
Et de me rendre à l'évidence. Mon admiration pour l’œuvre et les facultés intellectuelles de ces hommes reste intacte. Mais force m'est de dissocier en eux, l'homme de l’œuvre ou l'homme du penseur.
Pour Tariq Ramadan, l'homme, il va sans dire qu'il ressort piteux de cette triste histoire puisqu'il condamne l'adultère en tant que prédicateur mais le pratique lui même dans la sphère privée. Et, comme Sophia Aram le souligne avec humour dans un billet, il a perdu de sa dignité en se positionnant comme victime face aux accusations portées contre lui. Il eut mieux valu assumer.
Mais surtout, Tariq Ramadan, le penseur, celui que l'on accusait sans cesse de duplicité, a fortement perdu de sa crédibilité et a fragilisé du même coup sa pensée et son œuvre philosophiques. On peut dire qu'il s'est lui-même tiré une balle dans le pied et qu'en apparaissant aujourd'hui comme un être trompeur et pernicieux, il fait un sacré cadeau à ses détracteurs qui, bien sûr, ne peuvent que jubiler. Comment croire maintenant à la sincérité de ses propos ?
Pour ma part, n'ayant pas tous les les éléments pour juger, je me garderai de tout dénigrer en bloc à Tariq Ramadan. Sans chercher non plus à le dédouaner de quoi que ce soit, je préfère m'abstenir de crier haro sur le baudet et terminerai ce billet sur cette célèbre citation de Blaise Pascal : "L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête."
Même si je ne rejoins pas toujours Sophia Aram dans ses propos sur Tariq Ramadan, je ne peux résister à l'envie de relayer ci-après cette tranche d'humour.